Dès le ruisseau, le fleuve et la mer qu’il avait traversés, le plastique s’était altéré sous les assauts des orages et des vents. Englués dans la vaste zone de concentration plastique et constamment ballottés dans les gigantesques tourbillons marins qui se formaient sous l’effet de la rotation de la Terre et des courants, les restes dégradés de la tige du ballon rouge marinèrent plusieurs années dans le gyre de l’Atlantique nord. Divisés lentement en d’innombrables micro-plastiques toujours plus oxydés, une série de nouveaux polluants s’y concentraient. Ils absorbaient des éléments très nocifs tels que le mercure, l’arsenic, le titane ou le nickel. Tout un ensemble de substances répandues dans l’amoncellement des matières industrielles charriées par le bouillon de saletés. Des milliards de paillettes de produits chimiques, une improbable diversité de couleurs qui perturbaient fortement la perception des animaux marins.

Quant aux organismes sous-marins plus rudimentaires, ils souffraient directement du contact avec les polluants qui s’échappaient des micro-plastiques qu’ils ingurgitaient malgré eux, créant des dégâts qui s’étaleraient dans le temps, puisque leurs hormones sexuelles et surtout leur équilibre endocrinien en pâtiraient gravement. L’impact de ces désordres restait difficile voire impossible à mesurer, mais augurait de catastrophes à grande échelle sur le moyen et sur le long terme. À ces problèmes de croissance et de reproduction s’ajoutait l’hécatombe parmi les grands organismes comme les cachalots, les lions de mer ou les dauphins à gros nez, décimés par les fréquentes occlusions intestinales dues à l’ingestion volontaire ou non de ces substances malléables mais impossibles à digérer. Les tortues prenaient les sacs transparents pour des méduses. Le plastique s’accumulait dans leur tube digestif, provoquant des ulcères, ou bien il s’enchevêtrait dans leur système respiratoire jusqu’à l’asphyxie. L’interminable zone du bouillon de plastique déstabilisait la totalité de l’écosystème, des transferts biochimiques au niveau microscopique jusqu’aux changements des rapports de prédation et de la compétition pour la nourriture de toute la chaîne alimentaire.

Ironie du sort, sur certains débris du ballon se logèrent des bactéries qui produisirent de la matière organique dans laquelle se nichèrent des algues microscopiques dont se nourrissaient d’autres bactéries, provoquant le développement de singuliers réseaux d’échanges, sortes de biotopes composites sur des supports artificiels, présageant d’un avenir incertain pour l’univers d’Héliosphéra, de Xanthelle et de leurs descendances.

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